COMMUNIQUE DE PRESSE
DEMISSION ETHIQUE : LA SOCIETE CIVILE REFUSE L’AFFAIBLISSEMENT DES PAC
Confrontés aux dysfonctionnements engendrés par la loi n°2021-015 du 05 août 2021 (dite loi Idealson) tendant vers l’anéantissement des efforts entrepris depuis de longues années dans la mise en place du système anti-corruption et en particulier des pôles anti-corruption (PAC), nous, les OSC signataires de ce communiqué, tenons à alerter le public sur la gravité des récentes atteintes à l’indépendance de la justice dans notre pays.
Rappelons tout d’abord que le Comité de Suivi-Évaluation des Pôles Anti-Corruption (CSE PAC) a pour mission de :
- Garantir le bon fonctionnement des PAC ;
- Servir de garant de l’indépendance des PAC ;
- Constituer le comité de recrutement des magistrats des PAC, en collaboration avec les représentants du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM).
Or, la composition du CSE PAC telle qu’elle est définie par l’article 39 de la loi Idealson ne garantit plus l’indépendance des PAC. Le BIANCO et le SAMIFIN sont désormais cantonnés au rôle de simples observateurs. Cette loi a également modifié l’avis lié du CSE PAC en simple avis consultatif quant au renouvellement du mandat du Coordonnateur des PAC. Cette nouvelle composition du CSE PAC met par ailleurs en péril la sincérité des futurs recrutements des magistrats entrepris par le CSE PAC. Ces décisions sont remises au CSM dont le fonctionnement et la fixation de l’ordre du jour est tributaire de la Présidence de la République. A ce jour, la représentation de la société civile au sein du CSM n’a pu être mise en place malgré les nombreuses relances et propositions d’organisations lancées auprès du Ministère de la Justice.
Au moment de la constatation de la fin de mandat de l’ancienne Coordonnatrice des Pôles Anti- Corruption (PAC), le CSE PAC avait donné son avis favorable au renouvellement des magistrats PAC alors en fin de mandat. Le communiqué de presse du Comité pour la Sauvegarde de l’Intégrité (CSI) en date du 17 juin 2022 en fait foi. La détermination de la Présidence tournante et le mode de fonctionnement interne au sein du CSE PAC aurait dû être l’objet de la réunion et non une décision déjà prise auparavant. Or, le 10 mars 2023, le CSE PAC, sans la présence du représentant de la société civile, a décidé d’aller à l’encontre de cette décision antérieure et a décidé du lancement d’un appel à candidatures pour renouveler l’ensemble des magistrats des PAC dont le mandat est arrivé à terme. Le Conseil des Ministres a constaté la fin du mandat des Chefs de Cour le 15 mars, et la Coordination Nationale des PAC a lancé un appel à candidature pour le recrutement des magistrats en fin de mandat le 17 mars. La nomination des chefs du PAC avait été décidée par le CSM, et le décret pris en Conseil des Ministres n’a fait que consacrer les propositions émanant du CSM. Le parallélisme des formes aurait dû être respecté pour constater la fin de leur mandat.
A plus forte raison, ce processus de remplacement des magistrats prendra un délai considérable et paralysera les PAC durant cette année 2023, sachant que ces derniers sont aujourd’hui dépourvus de Président, de Procureur Général, entre autres postes vacants. Nous regrettons ce contexte délétère au sein du CSE PAC, qui démotive les bonnes volontés et incite beaucoup de magistrats à quitter les rangs des PAC.
Par ailleurs, nous condamnons fermement les pressions visant à museler les PAC, à l’exemple de la récente affaire relative au Maire de Vavatenina. Nous réaffirmons notre attachement à l’indépendance de la justice et exhortons les autorités concernées à cesser toute tentative d’influence et de représailles, en particulier à l’approche de la période électorale.
La société civile a toujours considéré comme une marque de reconnaissance l’opportunité d’interagir au même titre que les Chefs d’Institution et Chefs de Cour au sein du CSE PAC. Toutefois, nous constatons avec regret que la société civile n’exerce aujourd’hui qu’une participation symbolique au CSE PAC, notre avis étant de plus en plus ignoré. Refusant d’être complices du démantèlement des acquis, du renforcement de l’impunité en raison des demandes de poursuite non concluant ou encore la procédure de mise en accusation de la HCJ n’aboutissant pas, nous avons ainsi pris la décision collective de démissionner du CSE PAC. Le déclin programmé des PAC va à l’encontre de la volonté affichée des autorités d’appliquer une tolérance zéro à l’égard de la corruption, et s’oppose à l’instauration d’une bonne gouvernance, indispensable au développement inclusif et durable de Madagascar.
Nous sollicitons à ce que les conditions ci-après soient de nouveau réunies pour envisager de reprendre notre place au CSE PAC :
- Le retour au dispositif CSE PAC antérieur à la loi Idealson ;
- La fixation d’un règlement intérieur au sein du CSE PAC ;
- La reconnaissance et le respect des rôles de chaque entité dans la lutte contre la corruption (SAC) ;
- L’arrêt immédiat des pressions et des représailles exercées sur les magistrats du PAC ;
- La mise en place d’un processus de recrutement impartial, et exempt de consignes externes ;
- L’opérationnalisation du PAC Fianarantsoa par la nomination des magistrats sélectionnés depuis
juin 2021.
Fait à Antananarivo, le 24 mars 2023
Les OSC signataires du communiqué :
- Alliance Voahary Gasy (AVG) ;
- Association Gny To tsy mba Zainy;
- Centre d’Echanges, de Documentation et d’Information Interinstitutionnels (CEDII) ;
- Collectif des Citoyens et des Organisations Citoyennes (CCOC) ;
- Komity Mpanara-maso ny Fifidianana – Fanabeazana Olompirenena – Comité National d’Observation des Elections-Eductaion des citoyens (KMF-CNOE) ;
- Mouvement pour l’Ethique et la Déontologie de Madagascar (MEDEM) ;
- MSIS Tatao ;
- ONG Life Giving Water (ONG LGW);
- ONG IVORARY – Integrity for Development ;
- ONG RAVINTSARA ;
- ONG TOLOTSOA ;
- OPTA Olom-Pirenena Tompon’Andraikitra ;
- Plateforme Nationale des Organisation de la Société́Civile (PFNOSC) ;
- Transparency International – Initiative Madagascar